Toutes les branches
de l'Expédition Bleue
Carnet de bord 03, Baie-Sainte-Catherine
Mis en ligne le 31 juillet 2024
Écrit par Kateri Lemmens
L’équipage de l’Expédition Bleue, plus intersectoriel que jamais, repart à l’aventure. Pendant 18 jours, l’élégant voilier Vanamo traversera le parc marin Saguenay–Saint-Laurent. Il s’arrêtera dans quatre régions terrestres du Québec pour documenter la pollution plastique à plusieurs échelles.
Suivez pendant 18 jours les réflexions, microrécits et cartes postales laissés dans nos sillages.
Bienvenue à bord !
Toutes les branches de l'Expédition Bleue
L’Expédition Bleue est comme une pieuvre, un varech ou un arbrisseau, avec des tentacules ou des branches, des ramifications surprenantes et des floraisons étoilées.
Il y a la mission scientifique, avec la pompe, le gear, l’apnée, les échantillons : eau, sédiments, invertébrés (oursins verts, moules bleues, myes communes). Avec la rigueur des mesures, des protocoles. Il y a les nettoyages sur les berges pour mesurer la pollution plastique : on la quantifie et on la caractérise. L’Organisation Bleue a, ainsi, établi 156 catégories de plastiques. On génère des protocoles et des indispensables données ouvertes. Comme l’appelait un article de Nature paru en 2020, il faut « ouvrir, partager et mettre en réseau les informations afin que la gestion marine puisse atténuer les changements climatiques, la surpêche et la pollution » (« Ocean data need a sea change to help navigate the warming world », Nature, 8 juin 2020).
Ce que fait l’Organisation Bleue est représentatif d’une science ouverte et de nouvelles manières de produire des savoirs qui traversent les disciplines, les secteurs de plus en nécessaires alors que se multiplient les crises environnementales et climatiques et que les océans, qui produisent au moins 50 % de notre oxygène et constituent des puits de carbone, sont de toutes parts menacés. On estime qu’entre 8 et 14 millions de tonnes de plastiques sont déversées chaque année dans l’océan. Ça représenterait plus d’un camion à ordures par minutes. Or, comme le soulignait le capitaine Paul Watson, si « l’océan meurt, nous
mourrons ».
« Si l’océan meurt, nous rappelle le capitaine Paul Watson,
nous mourrons ».
Les nettoyages de l’Organisation Bleue engagent les participations citoyennes, joyeuses et fières. « C’est quand même propre, nous raconte-t-on, il y a déjà eu des nettoyages. » Ou encore « Il faudrait le faire deux ou trois fois par année ». Le soir, un petit garçon viendra à notre rencontre : « Madame, madame, il y a un sac de plastique qui flotte là-bas. »
On expose aussi certains résidus pour sensibiliser comme le montre la fascinante et horrifiante installation présentée au Quai international des croisières de La Baie, « Je suis bleu·e », ou celle qui vient d’être inaugurée au Musée de la Civilisation, « Nos reflets à la mer ». Après les nettoyages, Anne-Marie Asselin range dans un sac à part ce qu’elle appelle « Le premium », les objets avec lesquels se construiront les œuvres. Parce que nous vivons dans une société d’ultraconsommation de masse qui dévore tout ce à quoi elle touche et génère en retour des tonnes de déchets, il existe un art du trash, une littérature du waste. C’est ce qu’on fait, par moments, avec la « team création », l’équipe littéraire de L’Expédition Bleue 2.0, on écrit les déchets. Au cours de cette nouvelle Expédition, on voudrait écrire leurs histoires : chaque déchet plastique, chaque microplastique, peu importe son niveau de dégradation, vient de quelque part. On écrit des cartes postales poétiques comme des bouteilles à la mer qu’on envoie sur les réseaux sociaux tissant derrière nous le fil d’Ariane de nos instanéités brèves. Et pendant qu’une équipe audiovisuelle documente le tout quasiment en permanence, on s’efforce de tenir et de publier les carnets de bord collectifs qui racontent tout à la fois, la science, les territoires, les ramassages, nos échanges, nos présences sensibles communes, parfois lumineuses, parfois ombrageuses, la poésie des événements, l’expédition, la création et ses marges. Une musicienne à bord échantillonne le paysage sonore et capte les sons distinctifs du voyage et des territoires visités, pour ensuite créer des morceaux de musique électro-territoriale.
L’Expédition Bleue a croisé le chemin de Qualité Motel. La veille du départ, on a dansé, fêté, parlé de nos engagements d’artistes envers l’environnement et la mission de l’Organisation Bleue. Avec « La Virée du Saint-Laurent », en choisissant la voile, nous a expliqué France Basilic de Qualité Motel, en participant aux nettoyages des berges, en collaborant avec des partenaires locaux (brasseries, distilleries, producteurs et restaurateurs), on veut essayer de donner l’exemple. Mais on veut que ça reste coloré, ensoleillé, estival. C’est comme si on mettait la fête au service d’une mobilisation environnementale cohérente avec nos valeurs.
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[..].on s’efforce de tenir et de publier les carnets de bord collectifs qui racontent tout à la fois, la science, les territoires, les ramassages, nos échanges, nos présences sensibles communes, parfois lumineuses, parfois ombrageuses, la poésie des événements, l’expédition, la création et ses marges.
»
Et c’est sans parler du catamaran de « La belle vie Sailing », le Vanamo, un navire écoresponsable. En finlandais, Vanamo désigne la linnée boréale (linnaea borealis) dont le motif rappelle la structure double du catamaran.
De grandes algues pour les forêts de la mer.